Sondage CSA : Les catholiques vus par eux-mêmes
A propos d’un sondage de l’institut CSA publié par Le Monde des Religions réalisé à partir d’un échantillon de 1021 personnes se déclarant catholiques.
Ce sondage, réalisé en octobre 2006, fait apparaître au moins 3 enseignements importants, d’inégale portée :
1) Sur la place des Catholiques au sein de la société française. Une question préliminaire a en effet été posée à un premier échantillon national représentatif de 2012 personnes âgées de 18 ans et plus, constitué d’après la méthode des quotas : « Quelle est votre religion si vous en avez une ? » A cette question, seuls 51% des sondés ont répondu en se disant catholiques. Cette proportion témoigne d’un incontestable effritement par rapport à d’autres enquêtes réalisées peu auparavant, qui laissaient apparaître une proportion de catholiques oscillant entre 60 et 70%. La question posée explique sans doute, pour partie, un tel résultat. A la différence d’une approche plus traditionnelle, plus institutionnelle, qui met plutôt l’accent sur une appartenance « objective » à l’Eglise (avec une question du type « à quelle religion appartenez vous ? ») et qui enregistrait un niveau d’adhésion sensiblement plus élevé au catholicisme, l’interrogation posée ici est beaucoup plus impliquante et sous-tend une croyance, ou du moins un fort sentiment d’appartenance. Le critère de catholicité est laissée à l’appréciation du sondé : est catholique celui qui se croit catholique.
2) Le sondage fait apparaître un certain d’incertitudes ou d’ignorances d’importance très inégale quant à leur portée : Outre des ignorances de type factuel (comme la signification de la Pentecôte), on relève en premier lieu des expressions de croyance difficiles à décrypter (existence de Dieu ; perception de Dieu ; vie après la mort). Si par exemple, on peut s’étonner du faible pourcentage de « croyants » affirmés chez ceux qui se disent catholiques (52% disent que l’existence de Dieu est « sûre » ou « probable »), il convient de nuancer ce chiffe avec la proportion, importante, de ceux qui disent « ne pas savoir » (31%) : ce qui en soit, n’est nullement contradictoire : on peut être un excellent catholique et douter de l’existence de Dieu. Dans cette perspective, ce qui paraît donc le plus intéressant est le chiffre de ceux qui disent ne pas croire (17% pensent qu’il est peu probable que Dieu existe ou qu’il n’existe pas) : pour cette frange non négligeable de catholiques, il y a donc découplage complet entre la croyance et l’appartenance : pour eux, le catholicisme n’est pas une question de foi (mais n’est pas non plus une question de culture ou de connaissance, comme le prouve leur réponse à la question sur la Pentecôte). Cette fois, la croyance ne semble pas particulièrement liée à l’âge, mais plutôt au sexe (64% des femmes au foyer disent croire en Dieu) et aux convictions politiques : les personnes qui se disent de droite croient plus en Dieu que celles qui se disent de gauche ; bizarrement, les sympathisants du FN forment le plus fort contingent d’incroyants déclarés (29%) ; ils sont aussi parmi ceux qui doutent le moins (19%). Le critère confessionnel joue donc encore un rôle en matière politique (cf le % de croyants chez les sympathisants UDF).
La question sur la représentation de Dieu paraît non exploitable car elle est très mal posée. Le fait que 79% des interrogés disent se représenter Dieu comme une « force, une énergie, un esprit » ne témoigne pas du tropisme du new age. D’abord parce que l’intervention de Dieu dans l’histoire prend aussi la forme d’une force, d’une énergie, d’un Esprit : la question est donc pour le moins ambiguë ; ensuite parce que les plus pratiquants, qui sont aussi ceux qui ont la meilleure connaissance de leur foi ont répondu dans les mêmes termes que les autres. Si la question avait porté sur le Christ, la réponse aurait été fort différente.
Sur la vie après la mort, si l’adhésion à la résurrection des morts est étonnamment faible, sauf chez les pratiquants réguliers (et même très réguliers), les phénomènes les plus remarquables sont d’une part l’importance considérable occupé par l’incertitude (« il y a quelque chose, mais je ne sais pas quoi), surtout chez les plus jeunes (73% des moins de 30 ans ; 74% des moins de 30 ans) et d’autre part, la diffusion de la croyance en la réincarnation, surtout représentée dans les CSP et chez les personnes peu diplômées – où elle supplante la résurrection des morts : pb de complexité de la croyance. La présence d’un catholicisme athée se confirme également (49% de ceux qui ne prient jamais et 55% de ceux qui ne croient pas en Dieu estiment qu’il n’y a rien après la mort).
En revanche, les questions relatives à la Trinité et surtout à la résurrection du Christ sont infiniment plus dérangeantes, car elles portent sur le coeur même du mystère chrétien. Seules 58% des personnes se disant catholiques croient en effet en la résurrection du Christ, et 37% en la Trinité. La croyance en la résurrection tend à augmenter un peu avec l’âge (53% chez les 18-24 ans ; 60% chez les 60 ans et plus) ; elle est plus répandue chez les CSP- et chez les femmes au foyer, quoique les facteurs socio-économiques jouent un rôle assez marginal en la matière. Les principaux acquis du sondage sur ce point tiennent donc à deux considérations essentielles :
- la croyance en la résurrection du Christ, si elle est majoritaire chez les catholiques, y est moins largement répandue que la foi dans les miracles, alors même qu’elle est seule fondatrice, théologiquement parlant, de l’identité chrétienne. Le fait que 38% des personnes qui se disent catholiques ne croient pas en la résurrection doit être rapproché des 17% qui ne croient pas en Dieu. Pour les 2/5è de la composante catholique, le sentiment d’appartenance n’est donc pas lié à la croyance fondamentale du christianisme.
- à l’inverse, du côté de ceux qui, tout en s’affirmant catholiques, se déclarent athées, 20% croient en la résurrection du Christ. Phénomène de brouillage des systèmes religieux : sorte de picorage parmi les propositions dogmatiques.
3) A côté de ces indices qui confirment le double processus de sécularisation et d’individualisation des croyances en oeuvre depuis plusieurs décennies, le sondage témoigne enfin de la persistance d’une dimension fortement généalogique du catholicisme, c’est à dire de son enracinement dans une histoire et de l’importance qu’y joue la transmission. Cette importance transparaît en premier lieu dans les raisons alléguées par les personnes interrogées pour justifier leur appartenance au catholicisme : 55% invoquent la naissance dans une famille catholique ; 14% la référence à des valeurs ; 9% l’attachement à la culture et à l’histoire du pays, soit un total de 78% pour qui le catholicisme est avant tout affaire de tradition et d’héritage. Seuls 21% des personnes interrogées invoquent leur foi : voilà qui permet de complexifier singulièrement le discours sur l’individualisation des croyances : si les contenus des croyances procèdent de choix individuels, l’appartenance au catholicisme n’est, elle, pas vue comme un phénomène de croyance : à ce stade, le catholicisme apparaît moins comme une religion que comme une communauté englobante. Le paradoxe tient ici notamment au fait que le poids du conformisme est d’autant plus important que l’on est jeune : la mise en avant du critère de foi est essentiellement le fait des femmes (27% contre 13 % pour les hommes) et des plus âgés (25% pour les plus de 65 ans ; 30 % pour les plus de 75 ans ; 19% seulement pour les moins de 30 ans). Pour leur part, les plus diplômés insistent plutôt sur les valeurs (29% se disent catholiques par adhésion à certaines valeurs, contre 14% en moyenne).
La force de cette transmission est également perceptible dans le taux très élevé de réponses positives à la question : « Connaissez-vous par coeur, en entier, les prières suivantes : le « Notre Père » (88%) ; le « Je vous salue Marie » (81%). Toutefois, si le NP demeure, globalement, une prière identitaire bien connue et bien maîtrisée à tous les âges et à tous les niveaux de la société, le JVSM apparaît beaucoup plus générationnel : 66% seulement des moins de 30 ans affirment le connaître contre 94% des plus de 75 ans : phénomène d’érosion dans la transmission ou, perte de vitesse du culte marial ?
Enfin, ce poids de la transmission transparaît dans le souci, majoritairement affirmé, de donner une formation religieuse aux enfants : 65% de l’ensemble des catholiques répondent positivement
Au total, ce sondage témoigne, parmi d’autres, de l’importante transition que nous sommes en train de vivre, avec le passage d’un catholicisme d’appartenance à un catholicisme de croyance. Alors que la pression du conformisme social s’est considérablement relâché, on peut considérer que le catholicisme d’appartenance résiste bien.
Ce sondage, réalisé en octobre 2006, fait apparaître au moins 3 enseignements importants, d’inégale portée :
1) Sur la place des Catholiques au sein de la société française. Une question préliminaire a en effet été posée à un premier échantillon national représentatif de 2012 personnes âgées de 18 ans et plus, constitué d’après la méthode des quotas : « Quelle est votre religion si vous en avez une ? » A cette question, seuls 51% des sondés ont répondu en se disant catholiques. Cette proportion témoigne d’un incontestable effritement par rapport à d’autres enquêtes réalisées peu auparavant, qui laissaient apparaître une proportion de catholiques oscillant entre 60 et 70%. La question posée explique sans doute, pour partie, un tel résultat. A la différence d’une approche plus traditionnelle, plus institutionnelle, qui met plutôt l’accent sur une appartenance « objective » à l’Eglise (avec une question du type « à quelle religion appartenez vous ? ») et qui enregistrait un niveau d’adhésion sensiblement plus élevé au catholicisme, l’interrogation posée ici est beaucoup plus impliquante et sous-tend une croyance, ou du moins un fort sentiment d’appartenance. Le critère de catholicité est laissée à l’appréciation du sondé : est catholique celui qui se croit catholique.
2) Le sondage fait apparaître un certain d’incertitudes ou d’ignorances d’importance très inégale quant à leur portée : Outre des ignorances de type factuel (comme la signification de la Pentecôte), on relève en premier lieu des expressions de croyance difficiles à décrypter (existence de Dieu ; perception de Dieu ; vie après la mort). Si par exemple, on peut s’étonner du faible pourcentage de « croyants » affirmés chez ceux qui se disent catholiques (52% disent que l’existence de Dieu est « sûre » ou « probable »), il convient de nuancer ce chiffe avec la proportion, importante, de ceux qui disent « ne pas savoir » (31%) : ce qui en soit, n’est nullement contradictoire : on peut être un excellent catholique et douter de l’existence de Dieu. Dans cette perspective, ce qui paraît donc le plus intéressant est le chiffre de ceux qui disent ne pas croire (17% pensent qu’il est peu probable que Dieu existe ou qu’il n’existe pas) : pour cette frange non négligeable de catholiques, il y a donc découplage complet entre la croyance et l’appartenance : pour eux, le catholicisme n’est pas une question de foi (mais n’est pas non plus une question de culture ou de connaissance, comme le prouve leur réponse à la question sur la Pentecôte). Cette fois, la croyance ne semble pas particulièrement liée à l’âge, mais plutôt au sexe (64% des femmes au foyer disent croire en Dieu) et aux convictions politiques : les personnes qui se disent de droite croient plus en Dieu que celles qui se disent de gauche ; bizarrement, les sympathisants du FN forment le plus fort contingent d’incroyants déclarés (29%) ; ils sont aussi parmi ceux qui doutent le moins (19%). Le critère confessionnel joue donc encore un rôle en matière politique (cf le % de croyants chez les sympathisants UDF).
La question sur la représentation de Dieu paraît non exploitable car elle est très mal posée. Le fait que 79% des interrogés disent se représenter Dieu comme une « force, une énergie, un esprit » ne témoigne pas du tropisme du new age. D’abord parce que l’intervention de Dieu dans l’histoire prend aussi la forme d’une force, d’une énergie, d’un Esprit : la question est donc pour le moins ambiguë ; ensuite parce que les plus pratiquants, qui sont aussi ceux qui ont la meilleure connaissance de leur foi ont répondu dans les mêmes termes que les autres. Si la question avait porté sur le Christ, la réponse aurait été fort différente.
Sur la vie après la mort, si l’adhésion à la résurrection des morts est étonnamment faible, sauf chez les pratiquants réguliers (et même très réguliers), les phénomènes les plus remarquables sont d’une part l’importance considérable occupé par l’incertitude (« il y a quelque chose, mais je ne sais pas quoi), surtout chez les plus jeunes (73% des moins de 30 ans ; 74% des moins de 30 ans) et d’autre part, la diffusion de la croyance en la réincarnation, surtout représentée dans les CSP et chez les personnes peu diplômées – où elle supplante la résurrection des morts : pb de complexité de la croyance. La présence d’un catholicisme athée se confirme également (49% de ceux qui ne prient jamais et 55% de ceux qui ne croient pas en Dieu estiment qu’il n’y a rien après la mort).
En revanche, les questions relatives à la Trinité et surtout à la résurrection du Christ sont infiniment plus dérangeantes, car elles portent sur le coeur même du mystère chrétien. Seules 58% des personnes se disant catholiques croient en effet en la résurrection du Christ, et 37% en la Trinité. La croyance en la résurrection tend à augmenter un peu avec l’âge (53% chez les 18-24 ans ; 60% chez les 60 ans et plus) ; elle est plus répandue chez les CSP- et chez les femmes au foyer, quoique les facteurs socio-économiques jouent un rôle assez marginal en la matière. Les principaux acquis du sondage sur ce point tiennent donc à deux considérations essentielles :
- la croyance en la résurrection du Christ, si elle est majoritaire chez les catholiques, y est moins largement répandue que la foi dans les miracles, alors même qu’elle est seule fondatrice, théologiquement parlant, de l’identité chrétienne. Le fait que 38% des personnes qui se disent catholiques ne croient pas en la résurrection doit être rapproché des 17% qui ne croient pas en Dieu. Pour les 2/5è de la composante catholique, le sentiment d’appartenance n’est donc pas lié à la croyance fondamentale du christianisme.
- à l’inverse, du côté de ceux qui, tout en s’affirmant catholiques, se déclarent athées, 20% croient en la résurrection du Christ. Phénomène de brouillage des systèmes religieux : sorte de picorage parmi les propositions dogmatiques.
3) A côté de ces indices qui confirment le double processus de sécularisation et d’individualisation des croyances en oeuvre depuis plusieurs décennies, le sondage témoigne enfin de la persistance d’une dimension fortement généalogique du catholicisme, c’est à dire de son enracinement dans une histoire et de l’importance qu’y joue la transmission. Cette importance transparaît en premier lieu dans les raisons alléguées par les personnes interrogées pour justifier leur appartenance au catholicisme : 55% invoquent la naissance dans une famille catholique ; 14% la référence à des valeurs ; 9% l’attachement à la culture et à l’histoire du pays, soit un total de 78% pour qui le catholicisme est avant tout affaire de tradition et d’héritage. Seuls 21% des personnes interrogées invoquent leur foi : voilà qui permet de complexifier singulièrement le discours sur l’individualisation des croyances : si les contenus des croyances procèdent de choix individuels, l’appartenance au catholicisme n’est, elle, pas vue comme un phénomène de croyance : à ce stade, le catholicisme apparaît moins comme une religion que comme une communauté englobante. Le paradoxe tient ici notamment au fait que le poids du conformisme est d’autant plus important que l’on est jeune : la mise en avant du critère de foi est essentiellement le fait des femmes (27% contre 13 % pour les hommes) et des plus âgés (25% pour les plus de 65 ans ; 30 % pour les plus de 75 ans ; 19% seulement pour les moins de 30 ans). Pour leur part, les plus diplômés insistent plutôt sur les valeurs (29% se disent catholiques par adhésion à certaines valeurs, contre 14% en moyenne).
La force de cette transmission est également perceptible dans le taux très élevé de réponses positives à la question : « Connaissez-vous par coeur, en entier, les prières suivantes : le « Notre Père » (88%) ; le « Je vous salue Marie » (81%). Toutefois, si le NP demeure, globalement, une prière identitaire bien connue et bien maîtrisée à tous les âges et à tous les niveaux de la société, le JVSM apparaît beaucoup plus générationnel : 66% seulement des moins de 30 ans affirment le connaître contre 94% des plus de 75 ans : phénomène d’érosion dans la transmission ou, perte de vitesse du culte marial ?
Enfin, ce poids de la transmission transparaît dans le souci, majoritairement affirmé, de donner une formation religieuse aux enfants : 65% de l’ensemble des catholiques répondent positivement
Au total, ce sondage témoigne, parmi d’autres, de l’importante transition que nous sommes en train de vivre, avec le passage d’un catholicisme d’appartenance à un catholicisme de croyance. Alors que la pression du conformisme social s’est considérablement relâché, on peut considérer que le catholicisme d’appartenance résiste bien.
Article proposé par Corinne
2 commentaires:
L'importance de ce sondage ne nous a pas échappé Ce sera le prochain sujet de notre réunion d'équipe
Merci de vos commentaires
Je vous signale également l'interview d'Henri Madelin parue dans le Figaro
Chère Caro,
Bienvenue sur ce blog.
Merci pour nous avoir signalé l'aricle de Madelin "La Foi devient contreculture""
Si leur coeur vous en dit, revenez sur ce post après votre réunion pour nous rendre compte de vos échanges. Vous pouvez aussi si vous voulez nous envoyer un compte rendu pour publication à l'adresse mccloiret@yahoo.com
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