1 janv. 2000

L'emploi et le travail des jeunes : l'affaire de chacun !

L’emploi et le travail des jeunes
Compte rendu des débats du 15 octobre 2006


Introduction


Confrontée au chômage de masse, la France met en œuvre, depuis plusieurs années des politiques publiques visant à une meilleure intégration des jeunes dans le monde du travail. Or, en mars 2006, le vote de la loi sur le Contrat de Première Embauche a mis des centaines de milliers de jeunes dans la rue. Quel que soit le regard que l’on porte sur lui, ce mouvement a au moins eu le mérite de révéler que, par-delà l’accès au travail, la demande de ces jeunes se formulait aussi en termes de reconnaissance et de respect : ils demandaient prioritairement à être considérés avec plus de justice et d’humanité. Comment, en tant que chrétien, rester sourd à cet appel ?

En cette année pré-électorale, notre rôle de citoyen est particulièrement important car, par notre engagement dans la campagne puis par notre vote, nous pouvons infléchir l’action politique. Mais les pouvoirs publics à eux seuls ne peuvent tout décider ni tout faire. C’est pourquoi nous avons choisi de nous demander dans quelle mesure, et comment, nous pouvions agir, tant au niveau individuel qu’au niveau collectif – c'est-à-dire comme mouvement d’Eglise – face à cette situation qui, forcément, nous dépasse : Que vivent les jeunes ? Quelles sont leurs attentes ? Comment sont-ils accueillis en entreprise, et plus largement sur le marché de l’emploi ? Puisque nous sommes en responsabilité dans le monde économique et social, quels sont nos leviers d’action à leur égard ?

Il nous a semblé que mener cette discussion à huit clos n’avait pas de sens et qu’il nous fallait ouvrir grandes les portes et les fenêtres de la « maison MCC ». C’est à cette condition que nous pouvions entendre les préoccupations, les interprétations et les expériences des autres, tout en portant témoignage de nos propres interrogations dans la société.

Nous nous sommes donc retrouvés à plus de cinquante dans la salle paroissiale St Marceau. Dans l’assistance, la moitié des personnes n’appartenaient pas au MCC. Un journaliste de La République du Centre assistait aux débats, preuve que le sujet suscite un intérêt réel et que nous sommes nombreux à chercher des réponses aux mêmes questions.

Cette réunion n’est pas un aboutissement. C’est un appel lancé à chacun d’entre nous pour qu’il se demande : « Qu’as-tu fait de ton frère ? »

Voici le compte rendu des échanges que nous avons eus ensemble.

Documents de propositions JOC-MCC-MRJC et actions de
la JOC



La journée prenait appui sur les propositions inter mouvements J.O.C. M.C.C. M.R.J.C. de mars 2006.
La rencontre a donc commencé par une présentation succincte de ce travail conjoint par l’un de ses contributeurs au titre des jeunes professionnels du MCC. Cette synthèse du document était suivie d’une présentation par 2 représentants de la JOC de la campagne nationale. Rappelant que pour la tranche d’âge des 18 – 25, ans le taux de chômage s’élève à 21,6%, ceux-ci précisaient que le travail de la JOC s’appuie sur le retour de 31000 réponses de jeunes – environ 350 sur le Loiret - à un questionnaire envoyé l’an dernier. La campagne de la JOC a abouti à la rédaction d’une Charte sur l’emploi des jeunes, actuellement largement diffusée.

Table ronde


Une Table ronde, animée par un membre du MCC Loiret, Jean-François, réunissait un panel de responsables professionnels et de jeunes engagés sur cette question : un responsable d’un syndicat patronal (dans l’industrie), un directeur des ressources humaines, un jeune chercheur, une jeune ingénieur, deux membres de la J.O.C.
En premier lieu, Jean-François s’interrogea sur la distinction Emploi/Travail. L’Emploi vise le mode d’organisation du travail, tandis que la notion de Travail concerne une « activité » (terme très général). Après le stade des constatations, un certain nombre de leviers possibles se sont dégagés des débats de cette table ronde très animée et interactive.


Constatations et interrogations



Changer les regards sur les jeunes et le monde du travail


- Il faut changer les représentations du monde du travail et sortir de l’ « opposition » professeurs vs monde du travail. L’apprentissage permet et facilite cette connaissance réciproque. Créer de la confiance. (Stéphan, organisation patronale).
- Le CDD : le problème n’est pas de sacraliser le CDI ; c’est moins celui d’un CDD, de l’enchaînement de CDDs que celui de la reconnaissance sociale du jeune qui se trouve dans cette situation : logement, acquisition d’une voiture. a à se loger, à acquérir une voiture… (Vincent, jeune chercheur en CDD)
- Il faut redonner l’initiative aux élèves pour qu’ils proposent un temps pour appréhender le monde du travail. Dès le lycée, des jeunes sont confrontés à la recherche d’emploi. (Gwendal, lycéen en terminale)

Mieux appréhender les attentes des jeunes


- « Il faut s’interroger sur le rôle et la place du travail pour les jeunes actuellement ; attention au décalage de nos discours par rapport à la réalité du terrain. » (réaction assistance)
- Des difficultés sont rencontrées par les jeunes professionnels au niveau de la conciliation de la vie professionnelle et de la vie notamment personnelle. En effet, quand on est jeune, on apparait, par définition, « complètement disponible » aux yeux de l’entreprise (Marine, jeune ingénieure)
- L’expérience d’une rencontre annuelle entre les jeunes recrutés d’une entreprise et l’équipe de direction est cité : cet espace de libre parole, destiné à gommer les défiances, a permis d’effectuer des constats inattendus sur les attentes des jeunes (NDR : diplômés supérieurs). Ces attentes évoluent d’une part extrêmement rapidement et d’autre part impliquent une anticipation accrue de la part de l’entreprise : tenir compte des besoins de conciliation vie privée – vie professionnelle même pour des jeunes professionnels, tenir compte de la position du conjoint. Recueillir ces attentes sans qu’elles soient toujours exprimées explicitement demande un changement de position des dirigeants de l’entreprise : il faut accepter de se laisser bousculer de temps à autre (« comme un père par son enfant »). (Michel, DRH)
- Il faut enfin insister sur la réalité du désir important de mobilité parmi la population : de nombreux jeunes ne souhaitent pas « s’installer » avant 35 ans. Cette réalité qui semble aller à l’encontre de la notion « travail = reconnaissance sociale » s’explique partiellement par une certaine peur du milieu du travail qui incite les jeunes à « enchaîner » au maximum les expériences. Le constat est fait : il est dur pour un jeune de s’engager. (réaction assistance)
- Cette tendance à revendiquer la liberté à tout prix touche également le secteur de la médecine ; de nombreux internes choisissent des missions temporaires et ne veulent pas s’installer.(témoignage assistance)
- « La précarité peut être un choix ; comment expliquer cette défiance par rapport à l’engagement ? » (réaction assistance) « Les jeunes ont peur d’aller dans le monde du travail ; on n’est pas préparé » (réaction de Marig, jociste)

Réduire le décalage entre la formation et le premier emploi


- Concernant la préparation au monde du travail : au niveau des écoles d’ingénieurs, on constate une bonne préparation technique au monde du travail mais un manque de sensibilisation aux aspects humains, relationnels, de la vie en entreprise, ceci malgré les stages. « nous ne sommes pas préparés aux aspects humains, relationnels de la vie en entreprise » (Marine jeune ingénieure)
- Le décalage entre la formation, l’offre de formation et la demande d’emplois est également évoqué. « La fac’ – de sport – ne m’a rien appris, ne m’a pas aidé ; je me retrouve coincée par le très faible nombre de postes ; une grande partie de ceux-ci sont réservés aux sportifs ». Les modalités de concours introduisent une autre précarité. (Marig, jeune maître nageur auxiliaire).
- Il y a les métiers qui n’attirent plus. Or, des besoins existent au niveau de l’emploi (réaction assistance).
- La seule certitude, c’est qu’on ne peut avoir de traitement de masse de ces questions ; il y a de métiers qui n’attirent plus (chaudronnier, tourneur-fraiseur …) comment fait-on ? (Stéphan, organisation patronale)

Leviers d’actions dégagés



On peut tous, à un moment ou à un autre, aider une personne ponctuellement ou durablement


- pour cela, chacun doit s’efforcer de rester dans une position d’écoute :
o l’université du temps libre (Orléans) réunit des retraités ; une action de collaboration avec les collèges est proposée, justement ciblée pour rédiger des CV, des lettres de motivation, délivrer des témoignages ;
o l’Ececo (association d’entraide aux chercheurs d’emploi de la communauté de communes orléanaise) est un exemple de lieu parmi d’autres où l’on peut prendre appui sur des référents professionnels, travailler en tuteurage pour dépasser la peur (du monde du travail) ;
o la Mission locale propose des parrainages à des personnes ressources (dirigeants, DRH …) qui peuvent mettre leurs réseaux au service des jeunes ;
o les jeunes eux-mêmes se mobilisent pour accompagner les sortants d’école (lorsqu’ils sont en position d’emploi).

L’audace, la prise de risques est nécessaire,


- lorsqu’il s’agit de prendre des initiatives qui peuvent aller à l’encontre d’habitudes anciennes. Le chrétien peut « oser » en s’appuyant sur la confiance en Dieu que lui donne sa foi.

Il faut travailler sur les perceptions croisées du monde du travail et des jeunes


o consacrer du temps aux stagiaires, s’en occuper sérieusement (cf charte) ;
o apprendre à faire confiance ;
o inciter les enseignants à établir le lien entre l’école et le monde du travail ; mettre ainsi à profit le rôle du conseil de la vie lycéenne ou la plage horaire que représente l’ECJS (éducation Civique Juridique et Sociale) ; il faut redonner l’initiative aux élèves pour qu’ils proposent un temps pour appréhender le monde du travail et qu’ils apprennent à rédiger un CV, rencontrent des professionnels;
o revaloriser le travail qui ne peut être perçu comme seulement un moyen.

Il faut organiser et valoriser les parrainages


o le rôle des seniors et la Mission locale sont mis en avant.

Il faut mieux informer les jeunes sur les métiers


o les jeunes ont plus une information sur les études, choisies sur des critères d’intérêt éloignés de la nature et de la disponibilité du métier ;
o les organismes d’information et d’orientation ne doivent pas être seuls ; rôle des professionnels.

Il est essentiel de valoriser toutes les compétences et les acquis


o Exemple : ceux qui s’occupent de mouvements de jeunesse ; cela doit être reconnu dans le curriculum vitae.

Il faut accompagner les formateurs, ne pas les laisser seuls


o trouver des stages n’est pas toujours facile – c’est très mobilisateur pour les professeurs

Envoi…



Forte de témoignages enracinés dans le vécu des intervenants et des participants, cette rencontre s’est déroulée dans un véritable esprit d’écoute et d’attention mutuelle. La perception du travail évolue rapidement et il n’est certainement plus la « valeur » qui faisait référence pour les générations précédentes. Dans cet environnement changeant et complexe, nous sommes tous invités à changer nos regards, à nous laisser bousculer.

Au fil des débats, un certain nombre de problèmes ont été évoqués. Dans bon nombre de cas, nous avons constaté que certaines actions concrètes permettaient de les résoudre.
Au sortir de cette journée, nous percevons donc un appel qui nous invite à refuser le fatalisme et l’impuissance. Non, tout ne se joue pas hors de notre horizon, loin de nous, dans des sphères qui nous dépassent. A chacun d’entre nous d’explorer les pistes qui ont été évoquées, à titre personnel ou avec d’autres, pour que la somme de ces micro-expériences se transforme en un vaste mouvement de solidarité.

A l’heure où notre société se cherche, les chrétiens engagés dans le monde social et économique se doivent de porter témoignage des difficultés mais aussi des signes d’espérance. Ils se doivent également d’agir de façon concrète pour que le monde évolue vers plus de justice et plus d’humanité.

Ce travail, commencé au cours de cette journée, nous le poursuivrons individuellement et en équipe MCC. Nous sommes également désireux de le poursuivre avec d’autres, personnes et mouvements qui se signaleront à nous.


"On peut rêver, on peut attendre que les choses changent. Tous, nous
espérons une terre nouvelle, des cieux nouveaux.......
Cette terre nouvelle qui brûle ton coeur, il faudrait si peu pour
qu'elle embrase le monde.
Ce monde nouveau est à naître. Regarde, il est à portée de ton désir. Si
tu le veux, aujourd'hui, maintenant.
Surtout n'attends pas demain, n'es-tu pas le semeur d'un ciel nouveau ?"

Mille textes de Robert Riber - Prière d’envoi de la journée



Valery Morard, Didier Paillet, Miguel Teixeira

Mouvement Chrétien des Cadres et dirigeants du Loiret
mccloiret@yahoo.com
http://mccloiret.blogspot.com/

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