1 janv. 2000

Voyage au pays du surmenage

Nous avons un peu de temps à passer ensemble à propos de surmenage, heures supplémentaires et solidarités. Un sujet à multiples facettes, aussi je me propose de vous donner la parole dès que je vous aurai raconté mon voyage, mon expédition au pays du surmenage. Je vous inviterai alors à nous faire part de vos expériences, de vos interrogations compte tenu des solidarités en cause dans ce contexte.

Avant mon départ, les gens prudents, ceux qui décourageraient un régiment, m’avaient mis en garde : « Vous êtes ethnologue, si vous interviewez les habitants de ce pays, méfiez-vous des sujets tabou, vous serez rejetés si vous vous permettez le moindre commentaire, la moindre critique sur le parti pris par chacun. De plus, lorsque vous raconterez votre expédition, selon votre façon de le faire on vous classera d’office comme un ceci ou un cela et personne ne s’écoutera » ! Voici donc mes notes, quant aux prises de vue, il n’était pas possible ici de vous les présenter toutes, j’ai juste quelques photos. Et pour ne pas privilégier tel ou tel point de vue , je vous les présenterai au hasard. Par qui commençons-nous ?


Le buffle Il fonce tout droit.
· Pour ses propres placements financiers, placements éthiques.
· À la maison, pour ses achats : commerce équitable.
· Au travail, si c’est aux dépens d’autrui, pas question de travailler plus. Ceci n’empêche pas de donner un coup de collier quand il le faut. Ils sont 15 dans son bureau d’études et s’il y a davantage de travail on embauche ou on déplace quelqu’un.

Le dromadaire il bosse, a toujours bossé comme un fou et convient qu’il est drogué de travail.

La gazelle Je me suis arrangée avec la Direction, je travaille tard le soir et le samedi. Mes heures sont payées, tous sont au courant autour de moi, grâce à quoi je remonte la pente de mon surendettement.

La girafe Elle m’a vu venir de loin. Pourrait déléguer à ses chefs de service, a même reçu un candidat qui pourrait lui être adjoint. Préfère garder pour elle information et travail de peur d’être supplantée par un jeune plus compétent qu ‘elle.

L’hippopotame prend son temps. Un peu gêné de donner l’exemple de travail tardif, il ne travaille pas plus qu’un autre compte tenu des pauses-café, du temps passé à donner des ordres de Bourse pour son compte, de ses déjeuners prolongés.

Le kangourou sortait à l’heure, sa poche bourrée de documents : » « Je m’éclate dans mon boulot. Jamais je ne trouverai un poste aussi passionnant. La charge de travail me dépasse un peu, alors tant pis. La face est sauve car peu de gens savent que j’emporte du travail à la maison ».

Le lièvre Dans les contes c’est un sage. :« Il y a quelques années, nous allions dans le mur : dépôt de bilan, plan de redressement. Or le personnel a décidé de jouer le jeu, tous en mettent un coup. J’aime mieux contribuer encore un certain temps à nous sortir de l’ornière qu de faire la fine bouche. »

Le macaque Chômeur, il se sent exclu. Les entretiens pour le bureau d’études et l’adjoint à la patronne n’ont rien donné. De temps en temps il ramasse les miettes du festin des autres mais ils se sent devenir de moins en moins employable.

L’orang-outang essaie de se rattraper aux branches en donnant au fonds d’aide aux chômeurs l’argent qu’il gagne à leur place.

La panthère Sournoise, en montrant bien qu’elle travaille tard, longtemps, elle espère que les autres seront licenciés avant elle.

La taupe Un peu amère :« Si je suis réglo, c’est mon camarade qui passera divisionnaire, il est meilleur que moi. Alors je profite du fait qu’il ne peut pas pratiquer d’horaires excessifs à cause de ses engagements tandis que moi, je pars toujours du bureau après la Directrice. Vu sa mentalité, mes chances de promotion sont grandes.

Le tapir satisfait tous ses désirs. Il est payé à la commission afin de gagner plus et se demande s’il est plus heureux.

Le tigre Il est confiant. L’entreprise concurrente a un système de 35 heures souple et le respecte. Alors, comme nous travaillons presque tous au-delà,(c’est cela ou la porte) nos prix de revient sont bas et nous fauchons des contrats à nos concurrents. Après tout,chacun pour soi, concurrence déloyale comprise.

Le zèbre Ni blanc ni noir, il a le sens de la communauté car, seul, il ne peut rien. C’est lui qui répond aux demandes d’emploi, qui dépouille les CV. Certain de ce qui lui arrivera s’il ne fait pas de rab, il compense par l’action syndicale. D’une part il paie secrètement sa cotisation, d’autre part il participe aux réflexions du syndicat sur les accords collectifs de branche.

Maintenant à vous la parole autour de la question : « Quelles solidarités dans le travail ? Qui est mon prochain » ?
Article proposé par Alain

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