1 janv. 2000

Mon reve, mes obstacle, mes lumieres - Temoignage

Mon rêve - L’innocence
Mes obstacles - Le coté sombre
Ma vie : repartir avancer… - Aujourd’hui, vivre ses rêves et les accomplir – Mes lumières.
Plus que des phrases toutes faites, voici ce que ma maladie gérée m’offre en bonheur


Mon rêve - L’innocence


Bonjour, je m’appelle Xavier et j’ai 9 ans. Et c’est super, je suis en 9ème, dans la grande école communale de mon village. Il faut que je vous dise un peu les choses. Je peine un peu avec des notes pas terribles. J’arrive pas avec la table de multiplication de 9. Ma maîtresse me force à l’apprendre par cœur. Sinon ça va, à la récré on joue aux billes. Après le jeudi, comme y’a pas école, mes amis et moi on va construire des cabanes dans les bois. Et on fait un peu comme dans « la guerre des boutons »… Et là, je me débrouille beaucoup mieux qu’avec ma table de 9. Je vous promets que c’est vrai. J’ai l’impression d’avoir un sac extensible où je gagne, chaque jour un peu plus. Comme des petites victoires qui font du bien, et le soir (pas à midi quand je rentre pour le déjeuner, parce que il y a Daniel Gilbert à la télé avec « Midi Première ». Car là, il faut vite finir de manger pour regarder les chanteurs). C’est quand je rentre pour le goûter. Je suis avide et fière de raconter à ma Maman mes aventures, mes gains de la journée. Eh! Tu sais quoi ? Demain, y’a un docteur qui vient pour la visite médicale. On doit rapporter du pipi parce que le docteur, y voit plein de trucs dedans. C’est ce que m’a dit mon Papa. Bon, c’est rigolo de voir en enfilade tous ces récipients d’urine représentant chacun de nous avec multiples couleurs. J’apprends qu’on est différent, et unique dans le jaune. Le docteur, m’appelle, Elle : C’est toi Xavier. Moi : « heu, oui Madame ! » Elle : « Mon garçon, c’est pas bien de pisser dans un pot à confiture, sans le laver avant, parce que moi, ça me fausse mes résultats ! Alors va vite uriner dans ce bocal propre… » Quelques jours plus tard, le diagnostique tombe… « M. et Mme, nous devons hospitaliser votre fils, pour le mettre à l’insuline car il est diabétique. » Je passerai mon premier Noël, sans ma famille dans un hôpital. Nous sommes le 11 décembre 1973. On me fixe l’objectif de trois jours, pour faire mes injections moi-même. Je n'ai pas attendu les trois jours. Il m’a fallu 2 jours, comme pour battre un record de table de multiplication. Celle de 9, bien sûr. Alors je n'ai pas eu à réfléchir, à 9 ans on ne réfléchit pas, on subit, on écoute les infirmières, les médecins comme si c’était sa Maman ou son Papa qui disait de faire tel ou tel chose. Je sais que c’est bien, sans comprendre le sens, le pourquoi.

Mes obstacles - Le coté sombre


Je ne suis pas venu seul. Elle est là, avec moi… Elle, ma maladie. Mon diabète insulino-dépendant.Tiens-te voilà toi ! Tu te pointes, là. Maintenant, parce que tu sais qu’on va parler de toi, de nous, de nos différents, de ce que tu me fais bouffer en méchanceté. On va tchatcher comme si on était un couple. On va étaler notre vie intime et ça va être comme à la télé… « Y'a que la vérité qui compte » avec le grand rideau qui va s’ouvrir sur toi, sur moi. Ca te rend fière, la vicieuse, la sournoise… Celle qui me prend mon insouciance, ma liberté, mes rêves. Tu es toujours là pour faire la vilaine. Tu veux prendre ma vie le jour, la nuit et l’emmener insidieusement avec une subtile et lente progression dans un abîme de souffrance lente. Oh ! Ce n’est pas celle qui fauche d’un coup. Mais celle qui use et qui ronge en douceur. Tu as fauché mon adolescence, qui fut difficile par un déséquilibre permanent. Les techniques de contrôle étaient faibles pour se soigner. Tu m’as attiré vers ton coté par paresse, et autres tentations qui m’ont fait parfois chavirer vers la facilité d’abandonner ! Faute de courage. Mais dans cette quête à trouver l’équilibre et à le préserver sans garantie, le moindre écart est pressenti comme un échec où l’on se sent coupable. Tu me forces à me regarder, à me centrer sur un « moi je », égocentrique. C’est si dur de te combattre. On t’a bien nommée « la maladie des intellectuels ». Tu es maligne. Parfois on t’oublierait presque, et tu reviens pour me casser les pieds, comme un orage, qui surprend et qui détruit un peu plus à chaque fois. Tu es là, sans pitié, glaçante avec ce charme malsain pour arriver à tes fins dont ton appétit est si vorace. Tu m’obliges à ne jamais t’oublier, car tu sais y faire pour me faire mal et montrer ta présence. Tu es entraînée au vice. Souvent, tu te débrouilles pour me faire douter, car plus tu me connais, plus tu veux me tromper. Plus tu es pertinente. Tu me fais perdre pieds et confiance en moi, dans mon corps, mais plus fort encore dans ce qui est ma force, mes pensées. Si tu pouvais me filer une déprime, ça serait la cerise sur le gâteau. Tu te sens alors forte, gagnante. Comme dans un match où le vainqueur détruit l’autre ! Et voilà ce que tu m’as fait subir par la méconnaissance du grand public. « T’as trop bouffé de bonbons quand t’étais p’tit » - « Tu fais un régime aux épinards» - « Si l’école brûle, aux moins on aura du caramel ». « Hé! Xavier, tu peux faire du sport ? » « Tiens, tu veux un gâteau au chocolat avec une grenadine au lait ? Un Mars top glucose ? » L’époque a changé. A force de faire parler de toi. Mais les gens, ne prennent pas toujours conscience des difficultés que l’on peut avoir à mener sa vie, car tu es invisible à leurs yeux… Ce n’est pas marqué sur moi. Donc ils ne réalisent pas, les efforts à faire pour mener à bien une activité, une tâche que le commun des mortels, dit normal, peut faire. La méconnaissance fait peur… J’ai fait peur à cause toi! Je n’ai pas eu peur de moi, mais les autres ont eu peur. Par ce fait, la barrière est plus haute à réussir. Moi, je voulais être et faire comme tout le monde. Et ce n’est pas facile. La vie a ses injustices. C’est vrai. Il faut le dire. On se chamaille souvent. Eh! Faut pas rêver ! T’as déjà vu un couple qui ne se dispute pas, et qui file le parfait Amour, sans jamais se dire ses quatre vérités!Alors bien sûr, il a fallu collaborer, cohabiter, être ensemble. On a pas eu le choix. Des liens se sont crées, avec l’habitude et les galères. On s’est apprivoisé comme dirait St Exupéry. On a appris à s’aimer. C’est fou de dire cela. Mais c’est vrai que je t’aime. « Je t’aime ». C’est vrai que tu as quelques bons cotés. Il faut les chercher, mais, on les trouve. Bon c’est vrai que j’ai mon orgueil aussi et que j’ai du mal à voir les choses positives avec toi. Mais quand même, on va fêter nos 34 ans de vie commune.Il a fallu apprendre à être ensemble. Il a fallu t’accepter et m’accepter avec toi, en moi. La difficulté est d’être équilibré par l’administration d’hormones, l’insuline. L’équilibre est fragile entre l’assimilation de glucose par la nourriture, et les bonnes doses ajustées d’insuline. C’est un peu comme sur les marchés financiers de la bourse. Pour vous donner une idée, c’est comme si vous étiez constamment perturbé par des chiffres qui tombent, avec des données et en fonction d’elles, vous équilibrez le mieux possible le cours de ces marchés financiers. C’est un vrai job à temps complet, qui pousse à se remettre constamment en question. C’est un projet à gérer à part entière. Chiffres, données d’entrée, données de sortie, analyses de résultats, recherche d’hypothèses, tests, simulations de solutions, mise en place de règles, méthode général et spécifiques, indicateurs de gestion, expertises, bilans, plans d’actions. On se croirait au travail, non ? Mais c’est vrai qu'il y a des similitudes de gestions de projets.J’ai réellement commencé à réfléchir à nous, à 15 ans lors d’une hospitalisation à « L’Hôtel Dieu » à Paris. Lorsque je dis réfléchir, cela veut dire avoir une réflexion sur ma maladie, autre que d’accomplir des méthodes apprises en milieu hospitalier, sans analyse personnelle de gestion. Ce jour là, par manque de place dans le service de diabétologie, je me suis retrouver dans le bâtiment des diabètes à gros problèmes avec de lourds handicapes. Là, en voyant toute cette misère cachée que je découvrais… Je me suis dit, jamais… Jamais je ne veux vivre cela avec toi! Ca m’a foutu la trouille. Cela a été un déclencheur. Un homme aussi rencontré « le professeur Hautecouverture ». Il était dur, mais il m’aimait à me citer en exemple face à son staff d’internes et d’infirmières. Ca ma boosté à comprendre et à continuer. J’avais 15 ans et nous fêtions nos 6 bougies. La deuxième fois, que j’ai eu à approfondir la gestion de ma maladie, c’est lorsque les effets secondaires ont commencé à me caresser. Je faisais de la montagne, en haute altitude, et j’ai eu des hémorragies oculaires. J’ai été hospitalisé pour un rééquilibrage, puis un traitement au laser avec 900 impactes par séance dans l’œil pour cautériser les hémorragies.

Ma vie : repartir avancer… - Aujourd’hui, vivre ses rêves et les accomplir – Mes lumières.


Voir le verre à moitié plein, plutôt qu’à moitié vide. Croire au possible. Ce poser des questions essentielles, vitales. Se dire comment nous (mon diabète et moi) allons cohabiter pour que je puisse mener ma vie. Cela a été, et est, toujours une bonne école, celle de la rigueur, du respect de toi, de moi et du parcours réalisé et a réaliser. Entouré de médecins compétents, c’est devenu mon premier projet avant quoique ce soit. Dans cette quête à l’équilibre le plus proche possible de quelqu’un de normal, j’ai appris à me connaître, et à savoir qui tu étais à travers moi, pour mieux te comprendre, mieux te cadrer. Et mieux vivre.Alors, ça veut dire quoi, mieux vivre ? C’est…Avoir des rêves accessibles ensemble par la maîtrise du mal que tu me donnes tous les jours H 24.Etre fort, là où je suis faible. Comprendre pour avancer vers la vie.Etre le plus discret possible pour être le plus proche de la normal.Rire, sourire, offrir, recevoir.Croire en moi. Croire aux autres. Construire, et avancer dans l’Amour avec eux.Aimer et être aimer.

Plus que des phrases toutes faites, voici ce que ma maladie gérée m’offre en bonheur

Avoir un appartement, avec des assureurs qui mettent en œuvre des possibilités d’accession à la propriété.Avoir un permis de conduire qui est surveillé et renouvelé tous les cinq ans.Un travail qui m’épanouie dans une entreprise qui me fait confiance chaque jour dans les tâches que j’accomplis.Des patrons qui comprennent, qui écoutent et qui sont acteurs de choix dans un sens qui est commun à ce combat en tenant compte de ce handicap. Merci à Emmanuel R, Céline C, Christel D, qui au quotidien dans le travail, ont des regards attentifs et compréhensifs.Etre créatif… dans cet univers très pragmatique qu’est ma maladie. J’ai ce besoin vital, c’est une fenêtre à me dépasser.Avoir des amis, et être disponible de partages passionnés vers eux.Avoir des parents qui m’ont transmis la force du bon cap, tel un fil conducteur. Celui de, « vivre heureux, le mieux possible ».Aimer la femme que j’aime, qui croit tant en moi, en nous. Lui offrir tout mon cœur. Avoir des projets de bonheur. Etre pleinement heureux ensemble.
Tout ceci, me permet de continuer la route. Elle n’est pas tracée sans heurt, sans douleur… On ne nous a jamais dit que la vie était facile. Et rien n’est acquis. Ma famille, mes amis, Béatrix, les personnes qui m’entourent dans ma vie personnelle et professionnelle, les équipes médicales, ma foi en l’Amour et le fait d’être croyant, m’aident. Tous, ils me tiennent la main sur le chemin de ma vie, de notre vie… Merci à eux, merci à vous !

Xavier

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