24 déc. 2007

Noel

"C'est le cri d'un nouveau-né, frères et soeurs, qui nous fait tenir debout en plein coeur de la nuit, comme des veilleurs qui attendent l'accomplissement d'une promesse... Un nouveau-né emmailloté et couché dans une mangeoire, pas d'autre signe sinon le silence et l'humilité de ceux qui accueillent cet enfant. Dieu l'Eternel s'insère dans le temps et se fait l'un de nous... S'il est vrai que Dieu s'est fait homme, notre humanité devient le lieu de rencontre avec Lui. S'il est vrai que Dieu s'est fait homme, aucune et aucun d'entre nous n'est réduit à lui-même. Il y aura toujours, au fond de nous, un enfant à naître, un avenir possible.


Bethléem, en ces jours-là, n'a plus de place pour accueillir Marie et Joseph... Reste donc l'étable, là-bas, vide et perdue, dans les replis de notre histoire, semblable à ces lieux de pauvreté que je porte en moi et que je feins d'ignorer à cause de la blessure, de l'échec, du désespoir et du malheur... C'est la part enténébrée et souvent refoulée de nos vies qui est le lieu de sa naissance. Noël nous propose de renaître cette nuit. Renaître à notre humanité, parce qu'en elle, Dieu a déployé sa liberté pour aimer jusqu'au bout.


C'en est donc fini de ce Dieu inventé par nos imaginations, par nos rêves, coloré par nos idées de puissance, de justice étriquée, logé dans un ciel aux allures d'un club de bien-pensants. La fragilité de l'Enfant de Bethléem dessine les traits d'un Dieu vulnérable, humble, pauvre, entièrement donné et remis entre nos mains. D'ailleurs les bergers de Bethléem ne nous entraînent-ils pas dans leur joie à porter nos regards éblouis sur la faiblesse pour y découvrir la grandeur. Ces bergers nous provoquent à nous lever nous aussi, pour raconter ce que nous sommes en train de découvrir : un Dieu à hauteur d'homme... Alors oui, tout devient possible. Possible cette paix que nous désirons depuis si longtemps entre nous. Ainsi cette solitude, cette maladie qui gangrènent les énergies de mon existence, ce chômage qui menace jusqu'à mon identité et que je porte comme une honte, et puis ce poids du quotidien écrasant parfois mon goût de vivre...Depuis la venue de l'enfant de Noël, toutes ces impasses ne sont pas sans espérance. C'est vrai, il nous arrive parfois de ne plus croire en l'homme lorsque la violence obstinée se déchaîne, sous toutes ses formes pour museler et détruire des enfants, des femmes et des hommes. Il reste cependant que Dieu s'offre comme un frère désormais pour la route, solidaire de chacun au prix démesuré de sa vie. Il reste, au creux du désespoir, un enfant à faire naître au fond de nous-mêmes. Amen.»

Père Bernard Martin, Messe de minuit, 24 décembre 2003.