Propositions inter-mouvements JOC, MCC, MRJC sur l'emploi et le travail des jeunes
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Mars 2006
Ce document présente les réflexions menées conjointement par trois mouvements d'Eglise et d'action catholique travaillant sur la question de l'emploi et du travail des jeunes. Ce travail a été mené à l'invitation de la Commission Sociale des Evêques de France :
la JOC : la Jeunesse Ouvrière Chrétienne est une association d'éducation populaire qui oeuvre à l'insertion des jeunes dans la société et dans la vie. Depuis 1927, elle propose à ces jeunes des milieux populaires de se rassembler et leur offre les moyens concrets de mettre en oeuvre des projets qu'ils ont définis entre eux. Animée par les jeunes eux-mêmes, la JOC lutte contre leur exclusion et vise à favoriser leur autonomisation en développant des solidarités actives. La JOC compte 10 000 adhérents et rejoint 30 000 jeunes de 15 à 30 ans en France. Elle compte 120 fédérations locales.
le MCC : le Mouvement Chrétien des Cadres et dirigeants est un mouvement qui regroupe environ 6 000 membres en France dont 1/3 de Jeunes Professionnels (JP) âgés de 23 à 35 ans. Il repose principalement sur la vie d'équipe : composée d'une dizaine de membres, l'équipe se réunit une fois par mois pour réfléchir sur des thèmes en lien avec les expériences de ses membres dans le cadre de leurs responsabilités professionnelles, associatives, familiales et citoyennes.
le MRJC : le Mouvement Rural de la Jeunesse Chrétienne) est un mouvement qui rejoint environ 15 000 jeunes en France âgés de 15 à 30 ans. Il compte 80 jeunes animateurs salariés. Le MRJC, organisé du local à l'international, géré et animé par des jeunes, joue un rôle de sensibilisation, de formation à l'analyse et à l'action. Il permet aux jeunes d'analyser la société, de la comprendre, de se former et de s'organiser collectivement pour agir. Nous agissons principalement sur 3 champs : l'emploi, l'école et l'agriculture. Dans ce cadre, 100 000 journées de formation et 400 séjours éducatifs sont organisés.
Après une première partie qui exposera la vison du travail que porte les trois mouvements, nous proposerons des éléments de réflexions et des pistes d'action autour de trois grandes thématiques :
- Orientation et emploi
- Vie active et travail
- Intégration dans le monde du travail
Sommaire
1 Rôle et place du travail
1.1 Le travail au coeur d'un projet de vie à bâtir
1.2 Le travail, lieu d'une reconnaissance sociale et source d'un engagement citoyen.
1.3 Le travail, lieu de construction et de développement de l'individu.
1.4 CPE : incertitude et défiance au lieu de perspectives et confiance.
2 Orientation et emploi
2.1 Connaissance du territoire et des perspectives qu'il offre.
2.2 Apprendre à se connaître soi-même.
2.3 Décloisonner le monde scolaire et le monde économique.
3 Vie active et emploi
3.1 Stages et premiers contacts avec la vie professionnelle.
3.2 Visibilité des entités qui peuvent aider les jeunes.
3.3 Connaissance du monde du travail
3.4 Formation à la recherche d'emploi
3.5 Mobilité et territoires.
4 Intégration dans le monde du travail
5 Synthèse de nos propositions pour permettre aux jeunes une construction structurée et structurante de leur projet professionnel et contribuer à la sécurisation des parcours.
6 Conclusion.
7 Annexe : Constitution du groupe de travail
1 Rôle et place du travail
Au-delà des propositions de moyens et de pistes concrètes, il nous semblait important de nous interroger sur ce qui fondait notre réflexion : ce que nous attendions de l'emploi, ce qui nous semble être le rôle qu'il doit jouer dans la vie d'une société et d'un individu.
1.1 Le travail au coeur d'un projet de vie à bâtir
En accord avec les autres mouvements, le MRJC indique que ce qui semble important, c'est de ne pas isoler la question du travail, mais de la considérer comme intégrée dans la vie de la personne. Limiter la question à l'intégration dans l'entreprise est trop réducteur. Il s'agit bien ici de s'interroger sur l'intégration de la personne dans un tissu économique et social, et sur la manière de bâtir une citoyenneté.
Ce parcours de citoyenneté passe par l'éducation à l'autonomie et au choix : la cohérence dans la vie d'un individu repose sur la capacité à mûrir un projet professionnel, sans subir le diktat d'orientations scolaires trop vite décidées. Le travail doit pouvoir d'une manière ou d'une autre correspondre aux rêves que porte la personne, même s'ils doivent être parfois ajustés avec la réalité des compétences et du monde du travail. A cet égard, les témoignages d'aînés apportent un éclairage souvent formateur. Ces formes de parrainage, malheureusement trop rares, restent à encourager pour aider les plus jeunes à mûrir leurs projets.
Cette éducation doit aussi faire prendre conscience au jeune que si le travail peut être une source d'épanouissement, il est tout autant le lieu d'un engagement, mû par l'envie de faire avec d'autres, d'être utile et de porter un projet ambitieux pour faire avancer l'homme. Il ne peut donc pas être dissocié des autres engagements que peut avoir l'individu hors de son cadre professionnel.
1.2 Le travail, lieu d'une reconnaissance sociale et source d'un engagement citoyen
Par ailleurs, la reconnaissance sociale, l'identification dans un milieu ou un territoire restreint repose encore beaucoup sur la profession exercée. Au-delà de l'autonomie que procure la rémunération perçue, le travail donne donc une certaine stature sociale, qui permet de tenir d'autres engagements : politiques, associatifs, syndicaux... parce que la personne est sûre de sa place dans la société. Ceci nécessite d'avoir une visibilité minimum (de l'ordre de 2 à 3 ans) pour pouvoir s'engager pleinement (cf en particulier les mandats des élus qui sont au minimum de 5 ans). Les synergies entre ces engagements associatifs et professionnels ne nous semblent pas suffisamment développés : comment valoriser les acquis de ces expériences associatives dans un contexte professionnel ? Certaines entreprises favorisent cet engagement, mais il semble utopique actuellement d'ajouter ce critère lors de la recherche d'emploi. Il est à noter qu'à cet égard, il est souvent difficile pour le jeune travailleur de faire valoir ses droits pour des engagements associatifs (congé associatif par exemple).
1.3 Le travail, lieu de construction et de développement de l'individu
Le travail est également le lieu d'une construction pour l'individu. Il est important de garantir ses chances de progresser et d'approfondir son métier ou de se former aux évolutions de la société. Trop souvent, l'individu reste bloquer dans sa formation ou son diplôme initiaux, tant du fait des entreprises, qui refusent de prendre des risques et qui définissent des évolutions de carrière conventionnelles, que du fait de l'individu lui-même qui n'est pas toujours en mesure de valoriser ses expériences, aussi bien professionnelles que personnelles. Permettre aux jeunes d'identifier et de valoriser les compétences acquises hors de l'école ou du monde du travail pourrait contribuer à nourrir leur projet professionnel.
Même si comme nous l'avons vu, le travail joue un rôle essentiel pour l'individu, nous sommes étonnés par la sacralisation que fait la société dans son ensemble du CDI. Certes, les entreprises qui veulent préserver une grande flexibilité rechignent à embaucher leur personnel en CDI et ont recours à des contrats qui instaurent une grande précarité, mais les banques ou les loueurs de logement sont tout aussi frileux et n'accordent pas de financement ou d'appartement à des personnes en contrat précaire. A notre sens, si les contrats évoluent, le reste de la société doit donc avancer de manière cohérente de telle sorte que les individus ne soient pas victimes d'une « double peine » : ni travail, ni logement. Toute mesure visant à assouplir les contrats de travail actuels doit donc s'accompagner de communication, d'information et de motivation financière pour aider à l'évolution des mentalités.
1.4 CPE : incertitude et défiance au lieu de perspectives et confiance
Les trois mouvements réagissent sur le CPE (Contrat Première Embauche), mis en place par le gouvernement peu après la rencontre du mois de janvier avec le ministre du travail.
Il y a unanimité pour dire que ce contrat instaure une trop grande incertitude pour les jeunes, sans contrepartie réellement engageante de l'entreprise à leur égard. D'une manière perverse, il ne repose pas sur la confiance faite aux jeunes et à leurs compétences et savoir-faire acquis durant leur formation, mais sur le risque que l'entreprise prend en les embauchant. Quelle répercussion un tel renversement de perspectives peut avoir sur l'évolution de la société ?
Par ailleurs, il constitue une atteinte à l'emploi durable, et s'inscrit dans une dynamique de brièveté de l'engagement, ce qui permettra moins aisément le renouvellement du monde syndical.
Alors que le peu d'engagement des jeunes tant au niveau citoyen, associatif, syndical, que familial est souvent regretté dans la société actuelle, ces mesures, marquées par le manque de visibilité sur l'avenir, ne peuvent qu'accentuer ces phénomènes.
Nous pensons également que l'absence de nécessité de formuler une cause sérieuse pour notifier le licenciement laisse les jeunes démunis devant un échec. Cela peut perturber la future réinsertion tout autant que le processus serein d'analyse de cet échec qui permettrait d'éviter de renouveler certaines erreurs dans le futur.
Enfin, nous nous interrogeons sur la nécessité de créer des solutions sur mesure pour les jeunes, ce qui d'une manière indirecte, implique qu'il est nécessaire d'avoir des mesures dédiées aux jeunes et donc constitue des freins psychologiques pour des embauches sans avantages. C'est plutôt l'ensemble des processus qu'il faudrait réadapter, en favorisant notamment les parcours sécurisés dans un monde précaire.
2 Orientation et emploi
2.1 Connaissance du territoire et des perspectives qu'il offre
Sur la question de l'orientation, il nous est paru essentiel de donner rapidement tous les éléments fondamentaux pour construire un projet professionnel réfléchi.
Il nous semble important de développer chez les plus jeunes une connaissance réaliste des potentialités du territoire sur lequel ils vivent. Une enquête réalisée dans le sud de l'Indre auprès de lycéens montrent que 90% des jeunes n'ont aucune idée de l'activité économique et du type d'emploi existant sur leur territoire. Le milieu associatif et syndical a ici un rôle important à jouer : apprendre à monter des projets ou des actions au service d'un village ou d'un quartier. C'est aussi en favorisant l'ouverture de l'école sur un territoire (souvent lieu pivot, particulièrement en milieu rural), par le biais de stages, de rencontres d'expériences, d'acteurs du territoire...
Par ailleurs, il semble important de pouvoir apprivoiser les lieux institutionnels de recherche d'emploi, comme l'ANPE par exemple. Des actions simples proposées aux classes pourraient être envisagées : visite d'une agence ANPE, et recherche des métiers proposés sur le bassin d'emploi.
2.2 Apprendre à se connaître soi-même
Il est essentiel de sortir de la vision technique de l'orientation : dans les centres d'orientation ou les brochures adaptées, on se contente de montrer et de décrire des métiers, sans donner suffisamment de relief et de réalité. Cela ne permet par forcément aux jeunes de se déterminer, surtout lorsqu'ils n'ont aucune idée de ce qu'ils veulent faire.
Tout au long de leur formation, les jeunes devraient être aidés par un travail d'évaluation et de bilan des expériences acquises, sous un regard indépendant de celui porté par la famille. Cette évaluation pourrait alors devenir un réflexe de telle sorte qu'ils puissent faire évoluer leur parcours à tout moment de leur carrière, indépendamment de leur formation initiale. Ils sauraient alors se vendre et mettre en avant les compétences acquises. L'enseignement en lui-même ne permet pas d'acquérir une bonne connaissance de soi, et ce sont souvent les engagements extérieurs : associations sportives, religieuses, scoutisme... qui permettent à quelques-uns de trouver des espaces où ils peuvent apprendre à mieux se connaître. Cette chance devrait être offerte à tous, par le biais de l'école. Par ailleurs, ces « bilans des compétences acquises »[1] pourraient suivre les jeunes tout au long de leur scolarité, à l'instar de leur dossier scolaire. Cela est d'autant plus nécessaire que la lisibilité des diplômes n'est pas toujours très explicite pour les employeurs, et qu'il est donc nécessaire pour les jeunes de mettre en avant leur savoir-être bien avant leur savoir-faire.
Proposition de la JOC
Favoriser l'utilisation d'un outil déjà existant : « Le passeport de l'engagement » à l'initiative du programme « Envie d'agir » (www.enviedagir.fr)
Ce passeport a pour but de rendre les jeunes autonomes et acteurs dans leur propre reconnaissance. En leur permettant notamment d'obtenir, par exemple dans le cadre d'une recherche d'emploi, une reconnaissance d'aptitudes ou de compétences acquises à l'occasion d'activités sociales. Il peut également contribuer à l'élaboration d'un dossier de validation des acquis de l'expérience (VAE).
2.3 Décloisonner le monde scolaire et le monde économique
L'école est un lieu pivot, qui doit s'ouvrir davantage au monde de l'entreprise : témoignage de parents d'élèves, journées consacrées à la recherche d'un métier, à la création ou à la reprise d'entreprise... Un certain nombre d'actions est en effet à entreprendre avant que les jeunes ne soient complètement exclus du système et des dispositifs adaptés.
Une bonne adéquation des études à la profession visée reste nécessaire. En effet, les cadres pour continuer à se former quoique élargis ces dernières années, impliquent encore des sacrifices importants (notamment financiers) pour les personnes qui souhaitent en bénéficier. Il nous semble ainsi essentiel de mettre en cohérence les politiques et les moyens alloués à cette volonté de développer des compétences tout au long de la vie.
...
Le développement progressif de la validation des acquis de l'expérience va dans ce sens. Elle contribue à casser la représentation, fortement ancrée en France, selon laquelle toutes les connaissances doivent être acquises en début de vie. Mais il faudrait également assurer une plus grande continuité entre formation initiale et formation continue. Faute d'être assurés de pouvoir reprendre un jour un cycle d'étude dans l'enseignement supérieur, les jeunes en difficulté à l'université préfèrent parfois s'accrocher, quitte à obtenir, après plusieurs années, un diplôme peu « monnayable » sur le marché du travail, plutôt que de s'inscrire dans une autre voie de réussite et revenir ensuite vers des apprentissages plus formels.
Aller dans ce sens engage la responsabilité des entreprises et des partenaires sociaux.
Malgré les intentions affichées dans ce domaine, la formation continue permet rarement de tels parcours.
Le congé individuel de formation pourrait servir à aménager ces parcours. Ses limites, notamment financières, conduisent le plus souvent à écarter des demandes de ce type au profit de situations légitimement considérées comme plus urgentes : personnes fragilisées dans leur emploi, salariés ne disposant d'aucune qualification...
Extrait du rapport du groupe de travail présidé par Henri Proglio, PDG du groupe Veolia Environnement p.17
Enfin, la communication de la part des différents acteurs de cette formation tout au long de la vie doit être développée : les dispositifs existant sont encore très mal connus des salariés.
Dans l'enquête menée par la JOC en décembre 2005 des chiffres confirment ces affirmations : les 31 000 jeunes interrogés ont très largement une bonne opinion sur la VAE, le CIF et le DIF. Mais près de la moitié des jeunes interrogés méconnaissent ces dispositifs, dont 44 % sont des actifs.
Les centres d'apprentissages (universités, lycées, écoles, CFA...) doivent également être porteurs de projets de formation continue afin que les jeunes prennent conscience très tôt que cette formation initiale qui peut conditionner leurs premières années de vie professionnelle n'est pas une voie de garage et qu'avec une certaine volonté, ils peuvent reprendre des études pour évoluer vers d'autres métiers.
Par ailleurs il semble important que des professionnels siègent dans les comités de programmes des écoles et université pour donner un regard sur la formation qui y est dispensée et essayer de porter les besoins des entreprises et des bassins d'emploi concernés. Il serait bon également d'intégrer dès le lycée des heures de cours dispensées par des professionnels.
Enfin, l'orientation est encore trop souvent décidée sur des questions de moyens des familles.
Pour 29 % des jeunes qui regrettent des choix d'orientation, c'est la situation financière qui ne permettait pas de faire d'autres choix.
Enquête JOC / CSA - 31000 jeunes prennent la parole sur l'emploi
Il est essentiel de décloisonner le débat et de ne pas limiter la réflexion au seul ministère du travail, mais de l'étendre, entre autres, au ministère de l'éducation.
3 Vie active et emploi
3.1 Stages et premiers contacts avec la vie professionnelle
Le stage est une des meilleures opportunités de rencontre entre le jeune et le milieu de l'entreprise. Il faut néanmoins que ce stage soit clairement défini tant au niveau de l'entreprise qu'au niveau du responsable de la formation. Le stage a pour vocation de faire découvrir différentes fonctions dans l'entreprise. Il est essentiel de bien accueillir les stagiaires ou les apprentis, lors de ce premier contact avec le monde professionnel. Il est assez frappant de voir qu'en France, un temps de test sur des tâches sans valeur est souvent nécessaire avant que le stagiaire accède à des activités plus valorisantes et valorisables.
29 % des stagiaires et 39 % des apprentis déclarent qu'on leur donne des tâches que personne n'a envie de faire et n'apprennent rien d'intéressant.
Enquête JOC / CSA - 31000 jeunes prennent la parole sur l'emploi
La situation semble différente dans les pays nordiques où l'on fait confiance aux jeunes sur une mission bien précise adaptée à leurs capacités.
Le temps du retour de stage et du partage d'expérience avec des formateurs ou avec des pairs devrait être plus développé : il permettrait ainsi d'élargir le panel d'entreprises connues par les jeunes tout en favorisant le partage autour des difficultés qui peuvent apparaître dans le monde de l'entreprise, pour ancrer cette connaissance dans une certaine réalité.
Chaque stagiaire ou apprenti devrait également bénéficier avant son stage ou sa mission d'une formation minimum sur ses droits et sur les recours qu'il peut avoir en cas d'abus.
85 % des apprentis interrogés ignorent le changement de statut des apprentis en « apprentis étudiants des métiers »
85 % des jeunes estiment que la formation scolaire doit permettre de connaître ses droits en tant que citoyen et travailleur. 39 % pensent que leur formation scolaire le leur a effectivement permis.
Parce qu'ils ne connaissent par leurs droits, les jeunes ont des difficultés à les faire valoir.
Enquête JOC / CSA - 31000 jeunes prennent la parole sur l'emploi
3.2 Visibilité des entités qui peuvent aider les jeunes
La JOC s'interroge par exemple sur les moyens qu'ont les DDTEFP (direction départementale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle) pour mener leurs missions de conseil ? Elles sont souvent peu connues des jeunes et n'ont aucun moyen de se rendre visible auprès de la population active.
Par ailleurs, les disparités territoriales au niveau des missions portées par les maisons de l'emploi nuisent à leur visibilité auprès des publics qu'elles visent. Un travail de cohérence au niveau national devrait être mené afin de simplifier le paysage de ces institutions. Elles doivent néanmoins rester le plus proche possible du territoire qu'elles couvrent, et mener des actions de communication : bus circulant dans les villages pour présenter missions et moyens, actions auprès des jeunes en contrats saisonniers...
Le tissu associatif pour l'insertion professionnelle est très dense. Néanmoins, la connaissance de ces associations est souvent le fait des réseaux de connaissances ou du hasard. La communication de ces associations auprès des jeunes et des entreprises pourrait être favorisée au moyen de forums, ou via les maisons de l'emploi.
La reprise d'activité est un défi à relever. Dans la décennie à venir, c'est environ 30 % des chefs d'entreprises (massivement de PME, entreprises du commerce et de l'artisanat) qui céderont leur activité. Pour favoriser la reprise d'entreprise, nous pouvons citer deux expériences existantes :
ü L'association EGEE : L'un de leur objectif est d'accompagner des personnes dans la reprise d'une activité économique. Ce sont des bénévoles (souvent des chefs d'entreprises à la retraite) qui offrent leur compétence à des repreneurs n'ayant pas les moyens financiers de payer un consultant.
ü Le programme TERRIAM : C'est un programme mis en place sur plusieurs territoires pour favoriser la transmission d'exploitations agricoles. Il permet d'accompagner le cédant et le repreneur de l'activité agricole (exemple dans l'Indre mené par les CIVAM du Valençay).
3.3 Connaissance du monde du travail
Dans la perspective de développer une meilleure connaissance du monde de l'entreprise, le MCC propose de favoriser dans les universités (à l'instar de ce qui peut se faire dans les écoles d'ingénieurs) les « junior entreprises », qui sont des associations qui offrent, contre rémunération, les services des étudiants pour répondre à des demandes ponctuelles émanant d'entreprises ou d'associations. Tout en apportant des compléments de revenus aux étudiants, elles lui donnent la possibilité de se confronter au monde de l'entreprise, de développer un réseau de connaissances, de travailler avec d'autres...
Bien que le travail en projet soit le mode de fonctionnement courant des entreprises actuellement, il est fort peu développé durant les études primaires, secondaires et supérieures. A côté de l'évaluation des compétences propres de l'individu, il faudrait développer ses aptitudes à travailler en commun avec d'autres. Un tel travail aurait des répercutions positives sur la lutte contre l'échec scolaire, car le travail en groupe permet une reconnaissance par les autres sur des compétences qui ne sont pas celles qui sont habituellement évaluées.
3.4 Formation à la recherche d'emploi
Il serait bon de développer de façon systématique dans l'enseignement un module destiné à préparer les jeunes à la recherche d'emploi et au monde de l'entreprise :
- Donner des outils pour faire un CV et une lettre de motivation
- Faire un entretien type, de préférence filmé afin que le jeune puisse corriger ses principaux défauts et puisse voir l'image qu'il renvoie aux autres
- Apprendre à structurer un réseau relationnel au cours des études (exemple simple : garder systématiquement les contacts pris lors des stages / simples entretiens)
- Donner des adresses utiles
- Présenter des métiers types de l'entreprise mais aussi l'évolution de carrière qui s'en suit afin de motiver les jeunes.
A côté de ces modules qui visent l'intégration rapide du jeune dans le milieu professionnel, il est bon de préparer les jeunes diplômés, non pas à l'idée du chômage mais à sa perspective à court ou moyen terme et dans ce cadre, de travailler sur les outils, les moyens pour y faire face dans de bonnes conditions. L'isolement et la dévalorisation de soi auxquels peuvent conduire des périodes de chômages longues après des études laborieuses sont en effet des handicaps lors des premiers entretiens décrochés. Dans le même sens, il est nécessaire de favoriser les rencontres entre chercheurs d'emploi : proposition de groupes de travail plus systématique. Ceci permet en particulier aux jeunes de se constituer un réseau et de garder confiance dans leurs capacités relationnelles, souvent mises à mal après un licenciement ou une longue période de recherche.
3.5 Mobilité et territoires
Sur la question de la mobilité, nous nous sommes demandé s'il était normal que tous les emplois soient concentrés dans les mêmes centres économiques, en dépit des politiques de développement des territoires, le monde rural devenant un lieu dortoir. Une grande part de l'énergie se consume dans des temps de transport trop longs, le lieu de travail perd sa qualité de lieu socialisant...
Par ailleurs, beaucoup d'entreprises tirent leur parti du célibat géographique dans la mesure où l'employé est beaucoup plus disponible durant sa semaine loin de sa famille... Dans ce cadre, il faudrait obliger les entreprises, au-delà d'une certaine taille, à rechercher des solutions d'emploi au profit du conjoint d'un salarié muté.
Au-delà de ces mesures financières, il nous semble plus important de repenser la question des lieux où l'on crée de l'emploi, et de mettre en place des politiques volontaristes et cohérentes. On peut citer par exemple, les pôles d'excellence ruraux, qui ont la vocation de créer de l'activité, à condition qu'ils génèrent des projets de territoire cohérents.
Les groupements d'employeurs, 'plateformes d'emploi' au service de différentes entreprises, devraient être plus développés. Ils constitueraient alors des éléments forts de stabilité sur des bassins d'emploi.
Il nous semble également essentiel de repenser la manière de travailler, et de favoriser le télétravail en augmentant l'accès au haut débit informatique pour désenclaver certains territoires, mais aussi en soutenant par des exonérations de charges les entreprises qui y ont recours, car il présente un véritable intérêt écologique, en réduisant les déplacements, et social en favorisant la coïncidence lieu de vie / lieu de travail, gage de lien social.
4 Intégration dans le monde du travail
Il nous semble que la question de l'intégration dans le monde du travail ne peut pas être dissociée de la construction d'une vraie citoyenneté. Il est en effet essentiel de faire changer peu à peu les mentalités, plutôt que d'avoir recours à des moyens palliatifs comme le CV anonyme...En attendant, il apparaît que le seul moyen de faire pression sur les entreprises est la mise en place de condamnations dissuasives financièrement.
Il nous semble également qu'un certain nombre d'outils existent déjà, en particulier la 'charte de la diversité', mais qu'ils sont peu connus à la fois des entreprises et du grand public.
En les rendant publics, les entreprises signataires seraient incitées à plus de responsabilité par rapport à leur engagement. Par ailleurs, si cette charte est connue et signée par les sièges, elle ne parvient souvent pas au niveau local. Il faudrait donc veiller à ce qu'elle soit mieux connue localement, au niveau des recruteurs de terrain. C'est en effet une action que veut entreprendre la JOC d'abord auprès de ses militants et ensuite auprès des acteurs locaux pour que cette charte devienne vraiment efficace et pertinente dans la lutte contre les discriminations.
Nous avons également envisagé la création de lettres de recommandation rédigées et signées par des professeurs et des maîtres de stage qui permettraient au futur employeur de compléter son jugement sur le jeune au-delà des seuls critères visibles et de diplômes.
Enfin, les possibilités du parrainage pourraient être plus développées : allègement de charges si l'entreprise met à disposition un salarié proche de la retraite pour accompagner un plus jeune, droit pour les salariés à des congés pour parrainage ou pour accompagnement dans leur propre entreprise, dans des associations ou dans les établissements scolaires...
5 Synthèse de nos propositions pour permettre aux jeunes une construction structurée et structurante de leur projet professionnel et contribuer à la sécurisation des parcours
-> Créer un outil de valorisation et reconnaissance des acquis et compétences du jeune. Il s'agira pour le jeune d'identifier ce qu'il a acquis au travers de son expérience scolaire et professionnelle mais également au travers d'autres expériences de type associatif, syndical, sportif, etc...
Cet outil devra permettre de faire cet exercice de reconnaissance de compétences à différents moments de la vie du jeune et constituer un appui pour apprendre à valoriser les compétences acquises dans le monde du travail (par exemple, dans le cadre d'une candidature à un poste). Le Passeport de l'engagement nous semble être un bon outil de référence.
-> Développer les cadres qui facilitent le lien entre les professionnels expérimentés et entrepreneurs (encore en activité ou retraités) et les jeunes, dans le but de :
- donner envie à des jeunes d'exercer tel ou tel métier par des témoignages d'expériences ;
- conseiller et accompagner à la création et reprise d'activité ;
- accompagner un jeune dans le cadre d'une première expérience professionnelle (système de parrainage).
-> Favoriser le travail conjoint entre acteurs du monde du travail, acteurs institutionnels, acteurs territoriaux et établissements scolaires :
- pour que le jeune puisse connaître les potentialités de travail sur son bassin de vie ;
- pour que le jeune puisse connaître le contexte de la filière professionnelle qu'il choisira (Où se trouvent les emplois ? Quels débouchés ? Dans quelles structures travailler ?...) ;
- pour que le jeune puisse trouver le métier qu'il pourrait exercer et emprunter la filière de formation correspondante ;
- pour former les jeunes à la recherche d'emploi et faciliter leur entrée dans la vie active (découverte des acteurs institutionnels vers lesquels ils peuvent se tourner comme les Maisons de l'emploi, ANPE, conception et mise à jour de CV...).
A noter : cette proposition nous semble particulièrement conditionnée par la mise en place de projets cohérents de développement des territoires.
-> Développer les dispositifs et cadres favorisant la formation tout au long de la vie pour permettre à chacun de construire progressivement son projet professionnel et de régulièrement renouveler ses compétences
-> Revaloriser les stages effectués dans un parcours de formation :
- en y favorisant la prise de responsabilité des jeunes pour que les stages soient de réels lieux d'apprentissage et de formation ;
- en privilégiant les temps de reprise suite au stage avec les formateurs et les autres élèves / étudiants stagiaires ;
- en y intégrant une découverte minimum des droits des salariés.
-> Lutter contre les discriminations dans le monde du travail en rendant publique la 'Charte de la diversité'.
6 Conclusion
Le travail est un lieu d'engagement qui doit permettre à l'individu d'être pleinement acteur de la société : acteur par son engagement professionnel et par ses compétences, par les relations sociales, mais aussi acteur engagé dans la vie civile, acteur de sa vie de famille. Cela nécessite d'avoir une visibilité dans la durée.
Les mentalités doivent évoluer pour que l'individu ne soit pas, aux yeux de la société, réduit au contrat de travail qu'il possède et à ses revenus.
7 Annexe : Constitution du groupe de travail
JOC :
Inès Minin ,
Hugo Vandamme
MCC :
Alice Averous
Claire Collignon
Vincent Croixmarie
Alexis Deleplancque
MRJC :
Caroline Bruyas
Nelly Desarmenien
Frédéric Seigne
[1] Le terme n'est pas à entendre ici au sens courant du « bilan de compétences » qui peut être mis en oeuvre au cour de la vie professionnelle.
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